Philosophie de la liberté ou la science du GRAAL de Sergei.O. Prokofieff (http://www.eurythmiste.com/…/philosophie-de-la-liberte-la-e…)
Chapitre 1 – De la méthode d’investigation cognitive de l’anthroposophie
(extrait 1) :
Dans le premier chapitre du livre : Les degrés de la connaissance supérieure (GA 012), Rudolf Steiner parle des quatre étapes de la connaissance proposées par l’anthroposophie
la connaissance matérielle, la connaissance imaginative, la connaissance inspirative et la connaissance intuitive.
Puis il précise que la première étape est elle-même composée de quatre autres étapes, c’est-à-dire qu’elle contient quatre éléments différents:
1. l’objet qui laisse son empreinte dans les sens;
2. l’image que l’homme se fait de cet objet;
3. le concept qui permet à l’homme de se saisir par l’esprit d’une chose ou d’un événement;
4. le «Je» qui, sur la base de l’empreinte que laisse l’objet, s’en fait une image et forme un concept.
On peut relier les quatre premiers degrés de la «connaissance matérielle» en raison des caractéristiques apportées ultérieurement et notamment, si l’on tient compte de leur progression, aux concepts fondamentaux de la Philosophie de la liberté suivants:
-Le premier degré correspond à la «perception », car c’est seulement lorsque nous percevons avec les sens de notre corps que peut avoir lieu une première rencontre avec les objets extérieurs.
Le deuxième degré est la « représentation », que Rudolf Steiner nomme également le «concept individualisé» (GA 004).
Elle a toujours un caractère d’image. La faculté du «discernement contemplatif» est aussi un élément constitutif de cette progression.
En s’en aidant, l’homme tente, par son penser, de participer spirituellement à la nature créatrice qui l’entoure:
Goethe la décrit comme la faculté « qui, par la contemplation de la nature perpétuellement créatrice, nous rend digne de participer spirituellement à ses productions ». (Note 1)
Cela signifie que le «discernement contemplatif» se développe dans le domaine de l’âme qui se situe entre la perception extérieure et le penser.
Et là se situe notamment le domaine des représentations.
Le troisième degré est celui du penser pur qui peut être progressivement intensifié jusqu’au «penser intuitif » (Note 2).
Et le quatrième degré, celui du «Je », correspond à «l’état d’exception » décrit dans la Philosophie de la liberté où par l’activité accrue du Je qui produit le penser de manière créative, celui-ci peut être perçu en tant que tel.
Le Je est donc à ce degré l’être qui à la fois produit et observe le penser.
Du point de vue du chemin de l’initiation moderne, on peut caractériser ces quatre étapes aussi de la manière suivante.
À la première étape, celle de la perception, l’étudiant en science de l’esprit doit se rendre de plus en plus attentif à tous les processus qui l’entourent (Note 3).
La deuxième étape, celle de la représentation, l’amène dans le vaste domaine des exercices de concentration.
Puis, à la troisième étape commence pour l’étudiant en science de l’esprit réellement la méditation, dont le but est de parvenir au penser libéré de ce qui le rattache aux sens.
Outre les exercices qui mènent aux niveaux de connaissance plus élevés, Rudolf Steiner a également donné de nombreuses indications et de suggestions pour les trois premières étapes dans ses livres, ainsi que dans les documents de l’école ésotérique qui sont maintenant publiés.
Ce n’est que lorsque l’étudiant en science de l’esprit aura suffisamment libéré son penser de son corps par une pratique régulière de la méditation qu’il pourra, au moyen d’autres exercices spirituels, se risquer à franchir le passage de la méditation à la contemplation du monde spirituel en tant que tel.
Cela peut se produire consécutivement à une transformation progressive du penser libéré du corps en un nouvel organe de perception, qui permet même, avec le temps, d’accéder à l’expérience de l’imagination (cf. schéma 1 p. 19: passage du point 3, par le point du Je 4, vers le point 5).
L’étudiant en science de l’esprit s’élève ainsi à la première étape de la connaissance suprasensible à laquelle viendront s’ajouter au cours du développement ultérieur de l’homme les étapes inspirative et intuitive.
Dans le livre Les .étapes de la connaissance supérieure, déjà cité, Rudolf Steiner décrit un processus qui est en fait la continuation et l’intensification de l’état d’exception.
Ainsi, au niveau de la connaissance imaginative, l’étudiant en science de l’esprit fait l’expérience de diverses formes colorées, dont il prend conscience par son esprit, mais il a en même temps le sentiment, en les regardant, qu’il vit en elles et même qu’il participe à leur création (cf. GA 012).
Cette expérience dans le monde imaginatif est comparable à l’action du penser dans l’état d’exception.
Dans cette situation, l’homme observe son penser comme il observe habituellement les autres perceptions, mais en même temps il se sent vivre à l’intérieur, en tant que producteur de ce penser.
Cette expérience est encore plus intense lors de la vision imaginative déjà avancée, lorsque celle-ci parvient à la limite de l’inspiration.
Là, on se ressent encore avec beaucoup plus d’intensité comme celui qui à la fois voit et produit les formes et figures du plan astral.
Rudolf Steiner décrit cette activité suprasensible/suprasensorielle avec ces mots:
«On ressent le Je en tant que dessinateur et en même temps comme le matériel qui sert à dessiner» (GA 012).
Ces paroles mettent en évidence qu’on peut trouver le chemin vers le monde spirituel grâce à l’exercice correct de la méditation en passant par l’état d’exception du penser.
Ce qui commence dans le penser pur continue et se répète dans une forme imaginative intensifiée de l’autre côté du Seuil, afin que se construise un pont solide où la conscience pensante peut s`ouvrir aux perceptions spirituelles objectives, tout en restant circonspecte et vigilante.
Si l’on veut caractériser l’état d’exception de manière plus imagée on pourrait dire: habituellement le penser humain est figuré par une lance ou une flèche qui se dirige vers l’objet de la perception sensible.
Cet état du penser, Rudolf Steiner le décrit ainsi: «Quand je pense, je ne dirige pas mon regard sur mon penser que je produis moi-même, mais sur l’objet du penser, que je ne produis pas» (GA 004).
Si je dirige mon activité de penser sur le penser lui-même et que je suscite ainsi consciemment et volontairement l’état d’exception, alors il se forme comme une coupe, créée par l’activation de la volonté dans le penser, qui devient apte à recevoir en elle les imaginations du monde spirituel.
La perception de ces imaginations peut alors être vécue comme une sorte de communication spirituelle.
Il est vrai qu’il ne s’agit en fait que du niveau le plus bas, car la communication dans sa plénitude ne se produit que dans l’intuition, mais l’homme s’engage dès cette étape sur un chemin intérieur qui l’amènera, en continuant l’étude spirituelle, à ce que Rudolf Steiner indique dans le dernier chapitre de la Science de l’occulte « C’est à la science du Graal qu’aboutit le chemin vers les mondes spirituels dont les premiers degrés sont décrits dans ce livre ».
À la fin du présent ouvrage, il sera expliqué comment le chemin de la connaissance de la Philosophie de la liberté qui commence par l’état d’exception, conduit de manière immédiate à l’essence des mystères du Graal modernes. (Note 4).
En résumé nous pouvons représenter les étapes décrites
7. intuition
6. inspiration
5. imagination
4. état d’exception–4. contemplation
3. penser intuitif —-3. méditation
2. représentation — 2. concentration
1. perception ——- 1. attention
De cette manière, dans le chemin d’initiation moderne, les quatre étapes inférieures se relient aux trois supérieures et forment un ensemble de 7 éléments, le carré inférieur et le triangle supérieur.
En tant qu’unité, ces 7 étapes portent en elles un seuil important, qui, sur le chemin moderne de l’initiation, constitue le passage où « l’observation ou la (re)connaissance objectale » , point de départ de la Philosophie de la liberté, s’élève vers la «contemplation cosmique» (GA 078, 3 septembre 1921).
Rudolf Steiner attire l’attention sur ce point avec les mots suivants:
«Si l’on recherche une conception cosmique correspondant à cette philosophie de la liberté, alors il faut élargir ce qu’on y a fait là de manière restrictive en développant les étapes de la connaissance: connaissance objectale, imagination, inspiration, intuition» (idem).
En l’exprimant par la forme de la lemniscate, on a la possibilité de pénétrer encore plus profondément le caractère intime de cet ensemble de 7 éléments.
Le schéma 1, p. 19 montre que les écrits dits « pré-anthroposophiques » de Rudolf Steiner (notamment sa Philosophie de la liberté) sont dans la perspective du chemin de la connaissance indissociablement liés à ses écrits anthroposophiques plus tardifs.
Les trois premières étapes (1 à 5) se rapportent aux connaissances qui, selon Rudolf Steiner, «peuvent être atteintes avant l’entrée dans l’expérience spirituelle» (GA 004, avant-propos à l’édition de 1918).
Les trois étapes supérieures (5 à 7) sont la source principale de l’investigation spirituelle moderne.
Au milieu (étape 4) se trouve l`être « Je » de l’homme qui relie les deux sphères -la supérieure avec l’inférieure. (Une relation semblable entre sept éléments – trois plus quatre – se trouve également être la base spirituelle du plan du premier Goetheanum). (Note 5)
Le passage du penser intuitif à la perception consciente en imaginations (de 3 à 5) s’effectue par une activité accrue du Je.
Déjà dans l’exercice du penser intuitif, l’homme accomplit une activité intime qui est de caractère purement spirituel.
C’est pour cette raison que le moyen le plus sûr pour effectuer le passage à la perception imaginative est de continuer à s’exercer au penser intuitif.
«Au moment où il en fait l’expérience, le monde de la perception spirituel ne peut être ressenti par l’homme comme quelque chose d’étranger, parce qu’il a déjà vécu une expérience à caractère purement spirituel dans le penser intuitif », écrit Rudolf Steiner dans la Philosophie de la liberté.
Toutefois, cette expérience n’amène pas automatiquement à la perception des êtres et des processus du monde suprasensible.
Il faut qu’au préalable, par le travail intérieur du Je, le penser intuitif soit métamorphose en un nouvel organe de perception, capable de se saisir consciemment des imaginations.
Cette métamorphose aura lieu en poursuivant le développement de l’état d’exception tel qu’il a été décrit plus haut, de sorte que le Je se ressente de plus en plus comme un être indépendant du corps et qu’ainsi il puisse diriger son penser détaché du corps sur le monde spirituel qui l’entoure et auquel il appartient depuis le commencement
Note 1 – Cité d’après Rudolf Steiner, «Goethe, père d’une nouvelle esthétique ››, in GA 030
Note 2 – Le «penser pur » pour lequel Rudolf Steiner utilise également l’expression «penser libéré des sens» mérite ce qualificatif parce que justement il est détaché de toute perception sensorielle.
Le processus de purification du penser se développe grâce aux efforts intérieurs fournis par le Je humain dans le sens du bas vers le haut.
Ce processus rencontre, venant de l’autre côté, du haut vers le bas, les «intuitions idéelles» ou «conceptuelles» ce qui amène au «penser intuitif».
Plus le penser est libéré des sens (donc indépendant du cerveau et des impressions sensorielles), plus il est apte à se saisir d’intuitions réelles.
On pourrait dire que le penser pur et le penser intuitif se dirigent l’un vers l’autre et qu’ils caractérisent les deux aspects d’un même processus.
Quand l’homme accomplit consciemment ce double chemin évolutif, il pratique ce que Rudolf
Steiner nomme le «penser vivant ». (Comme il emploie ces différents termes assez librement, on peut retrouver, selon le contexte et les passages de son œuvre, l’un utilisé à la place de l’autre.)
Note 3 – Dans les œuvres de Rudolf Steiner, ainsi que dans la littérature anthroposophique secondaire, on trouve de nombreuses indications pour apprendre à devenir attentif.
Note 4 – Cf chapitre 14, la Philosophie de la liberté et la science moderne du Graal », ainsi que les chapitres 15 et 16.
Les deux images de la lance et de la coupe jouent aussi un rôle important dans les mystères du Graal.